Historique
La fondation
Accéder à des études supérieures n’était pas chose aisée à la fin du XIXe siècle pour les jeunes filles, et encore moins si elles résidaient dans une région rurale et catholique. Les plus progressistes des décideurs voulaient bien leur entrouvrir quelques portes, mais sans remettre en cause les stéréotypes en cours sur l’âme et la spécificité féminines. Destinée à être avant tout mère et gardienne du foyer, une femme pouvait accéder à certaines professions exigeant des études solides, à la condition que cette volonté de carrière respecte le dévouement et la mission de service inhérents à toute femme de la bonne bourgeoisie chrétienne. Quant aux droits politiques, il n’en est pas question, sinon sous forme de boutades plus ou moins méprisantes. Les Suissesses attendront encore trois quarts de siècle pour qu’elles n’en soient plus privées.
C’est dans ce contexte et partageant pour l’essentiel les valeurs du moment, que Joseph Beck et sa sœur Maria Paula, religieuse puis supérieure de l’ordre des sœurs de Menzingen, conçoivent le projet d’une institution de formation à caractère universitaire à Fribourg. L’idée est dans l’air dès 1899 et se concrétise rapidement. En 1902 d’abord, avec l’ouverture d’un Institut de Hautes Etudes dû à l’initiative du Père Joachim Berthier, où les étudiantes peuvent suivre des cours donnés par quelques professeurs de l’Université.
Les intentions de Joseph et Beck entrent donc en concurrence avec l’Institut des Hautes Etudes. Elles se heurtent aussi à une forte réserve du Vatican face à ce type de projets, attitude que nuancent les évêques suisses qui lui apportent leur soutien moral. Joseph Beck, toujours en accord avec sa sœur, contourne l’obstacle : puisque l’Eglise n’est d’aucune aide, il s’adresse à l’Etat de Fribourg. Le directeur de l’Instruction publique, Georges Python, est connu pour son conservatisme progressiste et répond en conséquence favorablement à la démarche de Joseph Beck, mais en la réorientant à son profit. Il songe en effet doter l’Université d’une Faculté de médecine, ce qui implique des dépenses supplémentaires dans un canton aux moyens limités, dépenses d’autant plus lourdes qu’une telle faculté nécessite l’ouverture d’une clinique universitaire. C’est donc vers cette clinique que Georges Python canalise les intentions de Joseph Beck, qui s’incline en obtenant toutefois qu’un convict pour jeunes filles religieuses et laïques soit annexé à la clinique. Les étudiantes y recevraient, comme à l’Institut des Hautes des Etudes, des cours donnés par des collègues de Joseph Beck, lesquels collègues acceptent de soutenir le projet.
C’est donc en vue de trouver un terrain pour cette clinique et son convict que Joseph Beck, le père Wilhelm Sidler et Auguste Hardegger sillonnent le plateau de Pérolles en 1903. Ils choisissent une parcelle qui appartient à l’Administration cantonale des Eaux et Forêts. Cependant, dans les faits et très rapidement, de clinique, il n’est plus question. Et le bâtiment qui s’élève à l’extrémité du boulevard de Pérolles, sur un site relativement tranquille malgré une scierie toute proche qui inquiète un peu le promoteur, est bien, sans en porter le nom, un institut d’études supérieures réservé aux jeunes filles se destinant à l’enseignement aux degrés secondaires. Son nom : l’Académie Sainte-Croix, qui est celui que donnent les sœurs de Menzingen à leurs écoles. En octobre 1904, alors que l’aménagement intérieur est tout juste achevé, l’Académie Sainte-Croix peut ouvrir ses portes à ses premières étudiantes.